
L'exposition-résidence
Commissariat : Anna Labouze & Keimis Henni
La peinture d’Inès Di Folco Jemni ressemble à un rêve. Un rêve infini, paisible et tumultueux, fruit d’une recomposition énigmatique entre la vie et ce qui peut exister au-delà. Il se nourrit de ses rencontres, ses lectures foisonnantes, des films, des reportages, des archives et des photographies qu’elle collecte, des enquêtes qu’elle mène, de toutes les chansons et de tous les poèmes qui l’habitent et la hantent. Il prend sa source dans son héritage oscillant entre le Nord de l’Afrique et les Caraïbes, et gonfle au contact de ses terres d’origine ou d’adoption, si chères à son cœur : il y a Cuba et La Havane où elle a vécu, Tunis et La Marsa, Naples et l’Italie… Il y a aussi sa famille héréditaire et choisie, sa maternité, le soufisme, le chamanisme, la mythologie et tout ce qui lui a été transmis. Il y a enfin ce qui ne s’explique pas : la magie, les fantômes, les visions, le temps qui se déforme, la nostalgie et les histoires en passe d’être oubliées.
Le rêve s’abreuve de toute cette matière, et la recrache transfigurée. Il prend corps par les huiles, les pigments, les mélanges, les tâches, les poudres, les paillettes, les vernis. Cette substance picturale affirmée et quasi-alchimique qui caractérise la palette et le geste de l’artiste ; le magma avec lequel elle joue au quotidien dans son atelier.
Chaque œuvre serait un morceau de ce rêve. Cela pourrait expliquer les grandes toiles suspendues qui flottent et ondulent comme les voiles d’un bateau, ou les vagues d’un océan. Aussi les personnages qui semblent être ailleurs, les symboles et les signes mystérieux qui les entourent, les formes évanescentes, la spontanéité des compositions, la vibration spectrale des ocres et des bleus, les apparitions et les réminiscences fantastiques, les brumes et les vapeurs mélancoliques qui masquent et révèlent... Fenêtre ouverte sur une forme de passé imaginaire, c’est un rêve qui reste néanmoins connecté aux enjeux de l’époque. Car pour Inès Di Folco Jemni, l’urgence de peindre est aussi politique : elle vient du besoin de représenter ce qui ne l’a pas encore été. La peintre serait ainsi autant une passeuse vers d’autres mondes, qu’une gardienne d’images et de mémoires.
Pour son exposition-résidence aux Magasins Généraux, elle a transformé l’espace en cinq salons thématiques. Ils constituent à la fois des écrins pour la présentation de ses œuvres, et des espaces de repos, de pratique artistique, de rencontre ou de rêverie pour toutes les personnes qui le désirent. Un des salons accueille l’atelier de l’artiste, qui travaille à la réalisation d’une nouvelle œuvre à l’échelle du lieu. Avec « Le Salon des songes », Inès Di Folco Jemni entend interroger et mettre en scène ce que le mot « salon » recoupe, du lieu de réception au salon de peinture, en passant par le séjour d’un appartement. Plus largement, elle cherche à créer un espace accueillant et convivial, et propose de nouvelles manières d’envisager l’hospitalité au sein des lieux d’art. En y faisant pénétrer la sphère intime et domestique, elle pense son exposition-résidence comme une maison où l’art, la vie et le rêve ne font qu’un.
Une équipe de médiation est à la disposition du public pendant les heures d’ouverture. Elle vous accompagne à la découverte de l’exposition et vous invite à lire, écouter, regarder, et à vous exprimer à travers différents médiums artistiques en accès libre. La médiation est conçue et réalisée par le Bureau Indépendant de Médiation culturelle (BIM), bureau d’étude spécialisé dans la création, l’accompagnement et la gestion de projets de médiation culturelle.